Titre

De la salle de réveil à la SSPI, évolution de la prise en charge ?

RECUPERATION DE SANG EN SSPI

Auteur

Docteur C. DENEUX ET O. NEUVILLE

INSTITUT CALOT 62600 BERCK

 

On ne peut concevoir de générer des complications pour le patient par l’utilisation abusive de techniques de récupération péri-opératoires, alors que la transfusion homologue est de plus en plus sûre.

Aussi, la récupération péri-opératoire, y compris en SSPI, se doit d’être irréprochable, que ce soit dans le choix des indications, la surveillance des procédures, le suivi des dossiers transfusionnels et des protocoles d’utilisation.

Les IADES sont largement concernés et impliqués d’un bout à l’autre du processus.

 

principes d’utilisation

A - Pourquoi ?

- En cas d’aspiration conventionnelle, les hématies sont perdues en totalité.

- Si on récupère le sang,  les pertes hémorragiques sont aspirées “ en douceur ” à partir du champ opératoire ou drainées en post-opératoire en modulant la dépression.

- Le sang est alors :

      * soit retransfusé directement par un dispositif à usage unique après filtration

      * soit après filtration, traité par un système qui permet de concentrer et de laver les hématies

- On comprend donc que la qualité du sang retransfusé est supérieur après concentration lavage mais plus lourde à mettre en place.

- enfin, ces techniques  relèvent de la volonté et de la décision conjointe de l’équipe médico-chirurgicale.

       C’est à partir de ces principes simples qu’on définira les protocoles d’utilisation et de surveillance.

 

B - Où ? Au bloc opératoire, en salle d’opération ou(et) en SSPI.

 

C - Dans quel type de chirurgie ?

a - oui = chirurgie aseptique pour laquelle est prévue une perte sanguine supérieure ou égale à 15 % du volume sanguin total. Donc essentiellement :  CCV, neurochirurgie, orthopédie, transplantation     

b - OUI...MAIS :  urgence, obstétrique, cancérologie

c - NON

      * utilisation de colle biologique ou d’antiseptiques locaux

      * soluté d’irrigation-lavage en dehors du sérum physiologique

      * utilisation de ciment (prothèse) : aspiration séparée pendant ce temps opératoire

      * contamination bactérienne avérée, suspectée, ou imprévue

      * chirurgie des surrénales, ascite

 

D - Chez quel patient ? Chez un patient informé.

 

E - Avec quel matériel ?   - Toujours de l’usage unique    

a - avec lavage

      * principes généraux :

            - un appareil doit être utilisé souvent, par une équipe entraînée pour être rapidement opérationnel

            - la majorité des études montre que globalement, tous les systèmes avec lavage se valent, avec quelques variantes comme la rapidité de traitement d’un bol, son volume ou la possibilité d’utilisation séquentielle ou continue.

            - les dispositifs avec lavage ont en commun une grande sécurité d’utilisation (détecteurs          d’air, capteurs optiques, remplissage automatique, codes couleur, affichage et impression des données), une excellente qualité du produit retransfusé et une adaptation au per et post-opératoire.

            - le choix du matériel est parfois subjectif (rapport avec le fabriquant), il prendra en comptela qualité du SAV et de la formation proposée ; il doit s’adapter au recrutement de l’établissement de soins (type de chirurgie, urgences...) et intégrer le prix d’achat de la machine et le coût des consommables.

 

      * le matériel : il existe plusieurs possibilités

            - recyclage séquentiel : nécessite plusieurs tailles de bol pour diminuer le temps de mise à disposition des poches (notamment en pédiatrie)

            - lavage en continu : plus adapté au saignement d’intensité variable et donc modulable en fonction des besoins du moment

            - récupération post-opératoire avec lavage : permet de récupérer des quantités de sang modérées (Ortho-pat*), et de restituer le sang à hématocrite constante indépendamment des volumes récupérés (centrifugation continue)

      * principes de mise en route (système séquentiel) :

            - branchement du réservoir de recueil rigide (équipé d’une “ chaussette filtrante ” de 150 µ environ),  avec ligne d’aspiration stérile, aspiration branchée sur le vide inférieure à 300 mm de mercure (intérêt d’une valve adaptée sur le tuyau de vide), un litre de sérum salé isotonique plus 25.000 UI d’héparine

            - remplissage du réservoir (200 à 300 ml de sérum hépariné), ce qui évite la coagulation dans le réservoir et dans le filtre.

            - adapter le goutte à goutte aux pertes sanguines (5 à 10 gouttes minute en cas de saignement faible), puis moduler en fonction du saignement (1/10ème à 1/20ème de celui-ci)

            - si nécessaire, branchement du kit stérile de concentration lavage et d’une poche de lavage de sérum salé isotonique dans sa forme injectable (3 litres minimum à renouveler si besoin)

      * en fin de lavage transfert du sang traité dans la poche de retransfusion personnalisée

      * le matériel doit être utilisable en post-opératoire

b - sans lavage

      * principes généraux :

            - rapidité d’installation par l’opérateur en fin d’intervention

            - sang drainé par un pré-filtre de 150 à 200 µ jusqu’à une poche

            - retransfusion par un filtre de 20 à 40 µ

            - appareillage plus léger, pouvant pour certains d’entre-eux traiter en continu.

      * le matériel : varié

            - pompe péristaltique

            - pompe à vide

            - aspiration par vide chirurgical contrôlé

            - drainage thoracique ou péricardique à aspiration douce (- 10 à - 40 cm d’H2O par colonne de Jeanneret) auquel on adjoint une poche de retransfusion (Pleurevac*). Indiquée en cas de chirurgie thoracique extrapulmonaire.

      * mise en route :

            - dès le branchement de l’opérateur à la fermeture

            - sur les drains profonds

            - inspiration inférieure à 100 mm de mercure

            - le sang arrive dans la poche après filtration

            - le sang est réinjecté à travers un filtre de 20 à 40 µ

            - pas d’anticoagulant

 

F - Par quel personnel ?

* l’ensemble de la procédure est sous la responsabilité du médecin prescripteur (généralement anesthésiste réanimateur)

* la compétence et les attributions des différents intervenants (chirurgien, anesthésiste, IADE, IBODE, IDE) sont précisées par écrit

* une liste du personnel habilité, avec mises à jour régulières doit figurer dans les procédures validées par le CSTH

* la formation initiale et spécifique est assurée sur place par le fournisseur ; la documentation jointe étant en français

* la formation ultérieure des nouveaux personnels est assurée sur place par l’encadrement

* l’IBODE en partenariat avec l’opérateur est responsable des raccordements stériles au dispositif de recueil per et post-opératoire

* le reste des opérations jusqu’à la fin de la transfusion et jusqu’au débranchement du récupérateur est sous la surveillance du personnel paramédical du département d’anesthésie réanimation (IADE, IDE de la SSPI) en partenariat chez nous avec le prescripteur

 

 

Surveillance

A - Au cours de chaque séance

      a - AVEC LAVAGE

      * durant l’utilisation

            - lavage minimum de 1000 ml. Le surnageant qui sort du bol doit être limpide, sinon on prolongera le lavage.

            - durée : six heures maximum entre le début du recueil et la fin de l’utilisation.

            - volume récupéré : si le volume réinjecté dépasse 1000 ml (> ou égal à 4 bols), une surveillance biologique et clinique (hématurie ?) de la coagulation et des plaquettes s’impose, avec éventuelle restitution de facteurs de coagulation

            - identification des prélèvements :

            => étiquettes spécifiques

            => personnalisation de la poche de retransfusion

            - utilité du contrôle ultime pré-transfusionnel si rupture dans la séquence traitement

            - réinjection ou si stockage des poches

            - lieu de transfusion : salle d’opération et SSPI

            - ablation du système de récupération, avec branchement des drains en respectant les procédures écrites

            - décontamination de la machine

            - destruction des déchets

      * après chaque utilisation

            - destruction des poches non transfusées

            - diffusion des informations : au patient ou à l’AFSSAPS en cas de FIT

            - recueil des données et archivage par un compte rendu joint au dossier transfusionnel

 

      b - SANS LAVAGE

      * même traçabilité et identification qu’avec lavage (a)

      * durée maximum :  trois heures en SSPI

      * aspiration < 100 mm Hg (évite l’hémolyse)

      * surveiller la présence de caillot

      * volume retransfusé maximum : 15 ml/kg

   

B - Périodiquement

 

a - VERIFICATION ET CONTROLE DES EQUIPEMENTS

* faire évaluer périodiquement par un personnel qualifié les équipements

* une révision complète est recommandée toute les cent utilisations

* une feuille de mise à jour par appareil facilite cette surveillance

* les dispositifs médicaux utilisés pour l’autotransfusion péri-opératoire doivent être tracés.

 

b - EVALUATION DES PROCEDURES AU SEIN DE L’ETABLISSEMENT

* contrôle par un évaluateur indépendant de l’ensemble des procédures,  avec rapport au CSTH

* intégration dans le système du suivi et d’activité du Département d’anesthésie (Anesth’Easy*)

* sous l’égide du CSTH, analyse régulière du nombre de récupérations réalisées et de leur justification

 

c - ETUDES RETROSPECTIVES REGULIERES

d - CONTROLE BIOLOGIQUE DES POCHES :Tous les deux à trois mois

      * avec lavage :

                      - protides, hématocrite, hémoglobine libre

                      - l’héparinémie résiduelle

                      - culture bactériologique :

            => positive dans 4o % des cas en moyenne

            => la bactérie retrouvée est en très faible quantité

      * sans lavage :

                      - sang de qualité médiocre

                      - le respect des délais (< à 3 heures) et du volume réinjecté (< 15 ml/kg) est indispensable pour éviter les problèmes de coagulation immédiats ou retardés

                      - on contrôlera régulièrement :

            => sur les poches : apparition de caillots ;  on dosera l’hémoglobine libre, l’hématocrite, et on mettra en route des cultures bactériologiques

            => chez le patient : après retransfusion, les conséquences de la réinjection (réaction fébrile, augmentation des d-dimères et de l’hémoglobine libre, ...)

 

Rôle  de l’I.A.D.E dans la récupération du sang en S.S.P.I

 Depuis 10 ans, le rôle dévolu à l’I.A.D.E a évolué en S.S.P.I, notamment avec la gestion des récupérateurs de sang. Toutes les actions concernant la retransfusion de sang récupéré ont pour but de  respecter la circulaire DGS/DH/AFS du 31/01/97. L’utilisation d’un récupérateur de sang conduit à la mise au point d’une procédure qualité qui sera rigoureusement suivie.

 

A - Branchement du dispositif de recueil

- Branchement en per-opératoire : il nécessite la coopération  I.A.D.E - I.B.O.D.E, ainsi que la parfaite connaissance du matériel et des procédures. On insistera sur l’identification des prélèvements avec une étiquette spécifique autocollante au niveau du réservoir du recueil. Un compte-rendu (imprimé spécifique) est également rempli avec précision.

- Branchement sur les drains : il est effectué en fin d’intervention, en environnement stérile sous flux laminaire en orthopédie, par l’instrumentiste.

 B - Accueil du patient S.S.P.I

- L’aspiration est rebranchée sans délai, on évitera également de placer deux appareils côte à côte.

- Les transmissions seront alors primordiales entre l’I.A.D.E manipulateur en per-opératoire et le personnel infirmier de S.S.P.I. Seront précisés notamment : l’heure du branchement initial, ceci afin de respecter les délais d’utilisation (6 heures maximum), la quantité de sang récupérée en per-opératoire, la quantité de liquide hépariné utilisé et les volumes de lavage.

 C - Utilisation S.S.P.I

- Le montage du kit de transfusion est réalisé chez nous le plus souvent en S.S.P.I.

- L’infirmier responsable du patient tiendra compte des normes de “ non transfusion ”, si la quantité de sang récupéré est inférieure à 200 ml en 1 heure 30. On procédera alors à la mise en place des redons afin de renvoyer le patient en unité de soins si son état le permet.

 D - Respect des consignes

- Temps maximum 6 heures après le branchement per-opératoire

- Volume maximum en fonction des normes définies

- Respect de la procédure pour le branchement des redons après arrêt de la récupération post-op. Un protocole a été mis au point dans le cadre de la procédure qualité. Grâce à une nouvelle ligne de branchement sur les drains ce protocole sera prochainement modifié, afin de limiter et de simplifier les actes nécessaires à sa réalisation.

 E - Surveillance du patient

Paramétres vitaux

Dépistage des saignements inattendus (troubles de coagulation ?)

Trace écrite sur la feuille de surveillance du réveil

Mise à jour du dossier transfusionnel

Transmissions orales et écrites aux unités de soins lors du départ du patient, transfusion terminée

 

F - Participation de l’I.A.D.E à la rédaction des procédures (cf circulaire de 97)

Remise à jour des procédures en fonction des améliorations techniques

Concertation avec l’équipe chirurgicale en vue d’éventuelles améliorations

Formation, information du personnel soignant concerné

Organisation, planification des contrôles qualité, que sont prélévements et dosages sanguins au niveau des poches de transfusion

Contrôles périodiques, suivi technique en relation avec le biomédical et le S.A.V

Conclusion

Avec l’importance et l’évolution des techniques de récupération des pertes sanguines, la salle de réveil s’éloigne de plus en plus de sa mission initiale qui ne concernait que le réveil pour se transformer en S.S.P.I aux missions multiples. Ceci nécessite bien sûr un personnel infirmier disponible et formé à ces techniques.